dimanche 9 novembre 2008

Dieu avait de l'imagination

Croyants ou non, nous connaissons tous l’histoire de la Création du monde. Si vous voulez mon avis, la version de l’ancien testament est un peu erronée. Il se trouve qu’un vieux sage m’a soufflé à l’oreille la vraie histoire. A mon tour de vous délivrer le secret.


Dieu était un père célibataire élevant seul son fils Jésus. Il était débordé, entre son travail d’inventeur d’une part, et les couches et les biberons de l’autre. Mais c’était un père attentionné, généreux et aimant. Son fils passait avant tout. Pour lui il imaginait toutes sortes de jeux, plus inventifs les uns que les autres. Dieu avait de l’or dans les doigts. Il pouvait tout fabriquer et donnait vie à chacune de ses créations.


En grandissant, Jésus se mit à poser des questions sur sa mère. Dieu redoubla d’efforts pour détourner l’attention de son fils et combler ce manque. Il inventa plus d’histoires et plus de jeux. Mais Jésus était triste et en colère. C’était un enfant solitaire et angoissé. Il faisait des cauchemars, ne voulait plus dormir et Dieu était inquiet. Il fallait trouver une solution, inventer une chose tellement passionnante que Jésus ne penserait plus à rien d’autre.


Un lundi, Dieu eut une idée. Il travailla comme un forcené en sus de son labeur habituel, et le soir, il rapporta une grande boîte qu’il tendit à Jésus.

- Tiens, fils, c’est pour toi. Ouvre-la !

Jésus prit la boîte, et l’ouvrit. Elle était dorée à l’extérieur, et noire à l’intérieur. Dedans flottait une boule. Jésus fut immédiatement fasciné par la sphère. Elle était dure, mais sa surface était liquide.

Dieu expliqua :

- L’eau apaise la colère. La boîte est grande et tu pourras y enfermer tes peurs pour ne plus les affronter, mais aussi tes rêves pour les protéger. Quand tu la fermeras, tu oublieras tes problèmes, ils seront prisonniers des ténèbres de la boîte. Et quand tu la rouvriras, le reflet du jour sur l’eau te montrera la beauté de la vie.

Jésus sourit et remercia son père. Toute la soirée, il regarda sa boule d’eau, et lorsqu’il referma la boîte au moment de se coucher, il s’endormit comme un bébé.


Le lendemain, Jésus vint trouver son père avec sa boîte sous le bras et lui dit :

- Papa, j’ai bien fait comme tu m’as dit hier. J’ai laissé mes peurs dans les ténèbres de la boîte, et j’ai protégé mes rêves aussi. Mais quand je l’ai ouverte ce matin, ce que j’y avais laissé a tout troublé l’eau et je ne peux plus voir la beauté du monde s’y refléter.

Dieu regarda à l’intérieur de la boîte et vit que son fils avait dit vrai. La belle surface liquide de la boule était toute brouillée et bouillonnée, et plus un reflet ne s’y accrochait.

- Ne t’inquiète pas mon fils, je vais réparer ça dans la journée !


Dieu partit travailler, et pendant ses pauses café et déjeuner, il s’occupa de la boîte de son fils.

En rentrant, il la tendit à Jésus qui l’ouvrit. Avec bonheur, il retrouva la boule d’eau, brillante et lisse, et son visage s’y refléta.

- Comment tu as fait ? cria-t-il.

- Ca n’a pas été facile, répondit Dieu. J’ai fabriqué une enveloppe de gaz pour protéger la surface de l’eau. Ainsi, rien ne pourra la troubler et elle restera lisse et brillante. J’ai appelé l’enveloppe ciel, et je l’ai fait bleu, car c’est la couleur de la sérénité.

- C’est encore plus beau comme ça ! Merci, dit Jésus.

Et il passa le reste de la soirée à contempler son ciel et son eau.


Le mercredi, au réveil, Jésus courut voir son père avec sa boîte sous le bras.

- Papa ! Papa ! J’ai tellement regardé la boule que cette nuit j’en ai rêvé, et je m’y noyais ! Il faut que tu fasses quelque chose !

- Ne t’inquiète pas fils, je vais arranger ça dans la journée !

Dieu emmena la boîte avec lui et s’occupa de résoudre le problème.

Lorsqu’il rentra le soir, Jésus l’attendait déjà et se jeta sur son butin.

La boule était toujours aussi lisse et brillante, mais au milieu se trouvait une tache marron.

- Qu’est-ce que c’est ? demanda Jésus.

- Ca, dit Dieu, c’est un peu de sable et de poussière. Ainsi, dans ton sommeil, tu ne pourras plus te noyer, car il y aura désormais un morceau de terre ferme pour t’accueillir. De plus, grâce à l’eau, la terre produira bientôt une herbe verte, douce et grasse où tu pourras te reposer, et des arbres qui te donneront des fruits juteux pour te sustenter.

Fou de joie, le fils remercia son père et toute la soirée il observa son bout de terre, afin d’y voir pousser l’herbe.


Le lendemain, Jésus se réveilla et courut voir son père.

- Papa ! J’ai rêvé de mon lopin de terre, et l’herbe y était douce et grasse, comme tu l’avais dit. Mais il faisait tellement noir que je n’ai pas pu voir si elle était bien verte. Et puis, j’ai eu un peu peur…

- Ne t’inquiète pas fils, je vais arranger ça dans la journée !

Dieu partit une nouvelle fois avec la boîte sous le bras et travailla encore et encore.

Quand il rentra, il expliqua à Jésus :

- A l’intérieur de ta boîte, j’ai mis des milliers de minuscules billes phosphorescentes, ainsi, ta terre sera toujours éclairée, même la nuit lorsque la boîte sera fermée. Tu pourras voir si l’herbe est bien verte.

Dieu montra alors un bouton noir sur le couvercle doré.

- Pendant la journée, lorsque tu seras à l’école, il faudra appuyer sur ce bouton, et une petite ampoule s’allumera à l’intérieur. Je l’ai appelée le soleil, et elle rechargera les minuscules billes que j’ai nommées étoiles. Mais attention, il faudra bien penser à l’allumer chaque jour, et à l’éteindre chaque soir.

- Je te le promets, dit Jésus. Merci papa !

Et il n’oublia pas d’éteindre le soleil avant de se coucher.


Vendredi, Jésus dit à son père :

- Papa, cette nuit, j’ai rêvé de ma terre. Les étoiles brillaient à travers le ciel, c’était fabuleux. Mais il m’a dit qu’il s’ennuyait quand je n’étais pas là, et l’eau aussi. Il faut faire quelque chose…

- Ne t’inquiète pas fils, je vais arranger ça dans la journée !

Dieu travailla d’arrache-pied, et lorsqu’il rentra le soir, il tendit sa boîte à Jésus.

- Tu ne pourras pas le voir d’ici, mais j’ai mis dans l’eau de ta boule des milliers de créatures qui ne se noient pas, et ainsi elle ne s’ennuiera plus. Dans le ciel, j’ai mis des milliers de créatures qui peuvent voler et ne tombent pas dans l’eau. Et tu peux toujours voir le reflet de la beauté du monde dans ta boule.

- Merci papa ! C’est formidable.

Jésus attendit la nuit avec impatience afin de rêver à ces créatures.


Le lendemain, il courut voir Dieu et lui dit :

- Papa, j’ai rêvé de toutes tes créatures et elles étaient magnifiques. Elles nageaient et volaient, c’était fabuleux. Je n’avais jamais rien vu de plus beau. Mais elles étaient si loin que je n’ai pas pu leur parler, et sur ma terre, j’étais seul avec mon herbe !

- Ne t’inquiète pas fils, je vais arranger ça dans la journée !

Comme on était samedi, Dieu eut cette fois bien plus de temps pour s’occuper du problème de son fils, et le soir il vint le trouver avec sa boîte.

- Pour toi fils, j’ai travaillé la journée entière et comblé tous tes désirs. J’ai d’abord installé sur ta terre toutes sortes de créatures, qui galoperont et ramperont sans cesse autour de toi. Et puis, j’ai pensé qu’il manquait encore quelque chose. Alors, pour que tu ne t’ennuies plus jamais et que tu n’aies plus peur, j’ai créé un garçon et une fille, et je les ai placés sur ta terre. Ils y seront chez eux et vivront avec les autres créatures de la terre, du ciel et de l’eau. Quand tu iras leur rendre visite, il se passera toujours quelque chose et tout évoluera, ainsi tu ne t’ennuieras plus jamais.

Jésus était aux anges et embrassa son père.

Dieu était un génie. En 6 jours, il avait réussi à rendre le sourire à son fils et à lui faire oublier ses angoisses.


Le lendemain, dimanche, Jésus vint trouver Dieu qui se reposait après sa dure semaine.

- Papa, cette nuit, j’ai rêvé de la Terre, et c’était extraordinaire ! Le garçon et la fille sont très gentils et je me suis amusé avec toutes les créatures galopant et rampant.

Jésus hésita et ajouta :

- Papa, est-ce je pourrais vivre sur la Terre ? C’est tellement merveilleux !

Dieu soupira et lui dit :

- Pas aujourd’hui mon fils, je suis trop fatigué. Nous verrons plus tard.



Plus tard, bien plus tard, alors que tout avait évolué sur la Terre, que les Hommes et les créatures du ciel, de la terre et de l’eau s’étaient multipliés, Dieu autorisa Jésus à partir vivre dans sa boule. Mais malheureusement, lui et les Hommes ne parlaient plus le même langage.


* Texte extrait d'un projet sur le thème "il reste toujours l'imagination"

6 commentaires:

Lilas a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Lilas a dit…

Quelle imagination! C'est très poétique cette revisitation de la création du monde et bien écris. Continue comme ça, j'espère que tu vas attirer les éditeurs, tu le mérites.

M1 a dit…

Alors là!! Dieu sait peut-être inventer des trucs mais to tu sais raconter de belles histoires! c'est fou comme on est "aspirés" par cette fable! bravo pour ton imagination future JK Rowling ;)
Ps : quel chieur ce Jésus!

Oriane a dit…

lilas : Merci, j'espère aussi !

m1 : En tout cas, je préfère ma version, et puis je la trouve tout aussi réaliste. Pourquoi l'univers ne serait-il pas une immense boite ? Merci pour tes compliments.

M1 a dit…

racontée par toi, Dieu est déjà plus "amour" :)
Sinon l'univers est une immense boite, une boite de chocolat, et on ne sait jamais sur quoi on va tomber comme le dit Forrest! en tous cas moi aussi je le vois ainsi ;)

D. a dit…

C'est vraiment un texte très beau, entrainant, une fable moderne!!
Bravo